2-La relation moderne aux images.


- Le double pôle du visible.

Dans l’ensemble, nous pouvons considérer que l’aventure moderne des regards s’articule autour de ce double pôle du visible :
1-L’usage par les pouvoirs médiatisés d’une imagerie qui excite la posture mélancolique régressive, toujours sacrifiée et renouvelée au profit d’une fascination stérilisante.
2-La responsabilité des professionnels du visible (artistes, photo-reporters, journalistes, cinéastes…) qui optent soit pour une imagerie aliénante, soit pour image maturante .

Depuis Les horreurs de la guerre de Goya, jusqu’à La mort de Maximilien de Manet, en passant par Le massacre de Scio de Delacroix ou Le radeau de la méduse de Géricault, tout un pan de l’aventure de la peinture s’est consacrée à l’investissement imaginaire du témoignage historique.
Avec la naissance de la photographie, la dimension indicielle de la technique argentique a inauguré l’ère d’une photographie mieux à même de témoigner pour l’histoire. Ce qui s’imprimait sur le support sensible de la pellicule avait « eu lieu », par-delà l’hypothèse des trucages.
C’est dans cet esprit que le corpus des photographies réalisées à l’ouverture des camps d’extermination nazis a confronté la communauté moderne des regards à un traumatisme inédit. Depuis, si la photographie continue à confirmer son statut de témoin, elle invalide simultanément cette aptitude en prouvant qu’elle stérilise les regards par un effet sidérant de fascination par l’horreur.
On peut considérer aujourd’hui que ce double mouvement intrinsèque à l’image est géré, avec des bonheurs divers, par les professionnels du visible qui usent tantôt du pouvoir de fascination de leur médium, tantôt injectent dans la communauté des objets de maturation visuelle.