- Que vient nous apprendre cette pratique originaire ?

Si Hypnos et Thanatos sont frères jumeaux, c’est bien parce qu’ils sont à eux deux les artisans d’une même entreprise : celle qui gère le sentiment de manque qui tisse la nature humaine. Ce lien archaïque à l’imago confirme qu’il existe un lien intrinsèque entre la fonction des images et notre dépassement de la douleur du deuil. Mais plus encore, que les images qui parviennent à remplir cette fonction s’inscrivent d’abord dans un projet de ressemblance hypnotique.
Plus encore, par-delà la question de la perte d’un être cher, le deuil recouvre surtout un processus quotidiennement traversé par chacun dans son rapport au temps. Pas une seconde ne passe sans nous rappeler ce flux du vif vers la mort. Chaque minute vécue est une minute perdue, peut-être morte.
Ce sentiment de perte radicale explique notre gourmandise, quasi-addictive, pour ces images, un temps apaisantes, qui comblent le vide créé par notre quotidien sentiment de perte. Mais comme elles se révèlent rapidement insatisfaisantes, elles sont incessamment abandonnées puis remplacées par de nouvelles.
Le temps, nécessaire à la maturation du deuil vers des images incertaines, réinvesties et singularisées, est ainsi le plus souvent court-circuité, car porteur des facultés d’autonomisation et d’indépendance du désir.
À l’inverse, la consommation infinie d’images cloniques infiniment renouvelées, permet d’alimenter la mise au pas des désirs de la communauté, en la rabattant à son statut de masse impulsive, adaptée à la grande machine de la production/consommation.