- Une relation contemporaine aux images, entre obscénité et objectivité.

Nous posons la distinction entre Obscénité et Objectivité.
L’obscène porte le spectateur sur la scène représentée, dans laquelle il est introduit et devient alors acteur à son insu du scénario qui lui est imposé. Le dispositif de l’obscénité s’apparente à celui de la perversion, dans la mesure où le spectateur est agi par un scénario qui s’impose à lui.
Dans l’objectivité, le spectateur tient à distance la scène représentée comme un objet qu’il parvient cette fois à instrumentaliser. Ce faisant, il investit la représentation, travaille les incertitudes qu’elle met en œuvre à partir de son propre imaginaire. Dans ce dispositif, le spectateur prend acte des insuffisances de l’image à rendre compte du réel. Il n ‘est plus agi mais actif.
Cette distinction nous permet de prendre acte d’une mutation qui s’élabore vivement sous nos yeux. En effet, l’ère des medias centralisés, d’une télévision, d’une presse ou d’informations conçues et diffusées par des rédactions aux prises avec les pouvoirs centraux, semble déjà une époque révolue. Caractéristique de cette ère des médias classiques, le dispositif du 20h serait intéressant à analyser dans son évolution, entre le temps où il fut la source omnipotente d’informations visuelles de la population et aujourd’hui. Des images souvent obscènes, mais parfois objectives étaient, de toutes façons rompues par le dispositif informationnel même. Utilisant massivement l’attrait du direct pour jouer de l’illusion obscène de participation aux évènements, des images, différentes et identiques au fil des jours, sacrifiaient au principe d’addiction et de consommation.

Nous proposons l’hypothèse selon laquelle cette période s’achèverait avec les événements du 11 septembre, et leur traitement télévisuel. Pour la dernière fois, la dimension visible de l’événement occupe la totalité de l’information, sature les regards au point de sidérer durablement l’esprit d’analyse de la communauté. Il faudra attendre quelques jours pour que les premières analyses dissonantes deviennent audibles, et surtout pour que les premières images d’amateurs, saisies réalisées à partir d’appareillages imprécis et de cadrages non contrôlés par les pouvoirs, commencent à être diffusés. Les observateurs comprendront plus tard que nous étions entrés dans une nouvelle ère du rapport des images à la communauté.
Sur ce point, l’attentat de la gare de Madrid, solde la toute puissance des pouvoirs centraux sur les images. On se souvient que, à la veille des élections présidentielles, le gouvernement Espagnol tenta de manipuler l’information à son profit en accusant précipitamment les responsables de l’ETA. Or, simultanément, via les téléphones portables, un nouveau type d’images était en train d’envahir Internet : des images prises sur le vif, via un matériel très précaire, selon des points de vue tout à fait singuliers (échappant au formatage des informations traditionnelles) donnaient à partager l’événement et à deviner la vérité sur ses commanditaires. De ne pas avoir compris le changement d’époque, le pouvoir Espagnol y a perdu les élections.
Quelques années plus tard, l’approche des nouvelles modalités de la diffusion des images et des contenus par Barak Obama, aura certainement contribué à sa victoire aux élections présidentielles.